Motion de l'Assemblée Générale du 2 juin 2018

Publié le 12/06/2018 / dans Motion de l'Assemblée Générale du 2 juin 2018

Reste à Charge Zéro

 

Question d'actualité, promesse d'Emmanuel MACRON, cause essentielle du renoncement aux soins, le « reste à charge zéro » est un sujet prioritaire pour les français qui s'y déclarent favorables à 92% (sondage Odoxa diffusé par l'Argus de l'Assurance).

Le Refuge Mutualiste Aveyronnais est porteur de quelques propositions, non exhaustives, et intervient dans le débat.

 

 

1- Les enjeux du reste à charge zéro

Il s'agit rien de moins que de favoriser l'accès aux soins pour tous en réduisant les contraintes financières qui sont à l'origine du renoncement aux soins pour un quart des assurés sociaux1.

C'est donc bien un enjeu national de santé publique : améliorer la santé des français en facilitant leur accès à des soins de qualité.

Et c'est en ces termes-ci que l'objectif doit être posé.

Dans un contexte de dégradation généralisée de l'état sanitaire de notre pays (urgences, hôpitaux, déserts médicaux, renoncement aux soins, etc.) on devrait attendre d'un Président et de sa ministre de la Santé qu'ils engagent une action d'envergure et l'inscrivent au rang des priorités nationales.

Au lieu de cela, on doit constater qu'une fois de plus, les questions afférentes à la santé des français sont abordées sous l'angle strictement comptable. Pire: Agnès BUZYN déclare que son projet doit se réaliser «sans dérive des comptes de l'Assurance maladie²», ce qui signifie que se doter de moyens pour la santé des français constituerait une dérive.

Sur les sujets d'ordre sanitaire, la question n'est pas de savoir à quel niveau de santé on peut prétendre en fonction d'un budget donné, mais de quels moyens il faut se doter pour maintenir le meilleur état de santé possible. Et cela est vrai dans la sphère privée comme dans le domaine public. De ce point de vue aussi, la santé n'est décidément pas une marchandise.

Non, aborder ce dossier en termes de reste à charge zéro pour trois prestations ou en termes d'amélioration de l'accès aux soins pour tous, cela ne relève pas de la même philosophie.

Il ne faut pas nous laisser enfermer dans un périmètre restreint de réflexion : si le focus est volontairement mis sur un point particulier dans le but d'y cantonner le débat, il nous appartient d'élargir le champ d'analyse et de traiter le problème dans toutes ses dimensions.

Cette motion est une revendication qui doit aussi rehausser le débat.

 

 

 

1Sondage mandaté par la Caisse nationale d'assurance-maladie: « Un quart des assurés sociaux (26,5 % exactement) ont renoncé à se faire soigner en 2016, selon l'Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore). (https://www.lesechos.fr/29/03/2017/LesEchos/22414-018-ECH l-assurance-maladie-s-organise-face-au-renoncement-aux-soinshtm#UJShkWJS06vawhs99)

²Le Parisien du 23.1.2018

 

 

2- Quel périmètre pour le reste à charge ?

La réforme lancée par la ministre de la Santé, Agnès BUZYN s'appuie sur une vision très étroite et restrictive du reste à charge par l'effet d'une double réduction

  • on cantonne le reste à charge aux seules prestations, parmi les prestations
  • on le limite aux 3 secteurs du dentaire, de l'optique et de l'audioprothèse.

En réalité, ce qui conduit un quart des français à renoncer aux soins, pour s'en tenir au seul domaine de leur budget consacré à la santé, c'est bien l'ensemble des coûts supportés pour accéder aux soins : ainsi au reste à charge sur les trois secteurs visés, il faut ajouter tous les coûts laissés à la charge de l'assuré social, non seulement les coûts directs de santé, mais également les divers forfaits et franchises qui accroissent le reste à charge total, et enfin le coût supporté pour accéder à une complémentaire santé.

 

 

3- La question des frais de soins doit être abordée sous ses deux volets indissociables: les tarifs et les remboursements

S'en tenir aux seuls remboursements c'est faire l'impasse de la problématique des tarifs, qui constituent pourtant le socle du mécanisme de prise en charge. Sans tarifs maîtrisés, c'est le tonneau des Danaïdes avec un effet inflationniste inévitable.

La maîtrise du reste à charge passe par la maîtrise des tarifs qui elle-même passe par l'application à tous de tarifs opposables, sans possibilité de dépassement, assurant à la fois une juste rémunération des praticiens et la garantie pour les assurés sociaux d'être bien couverts.

 

 

4- La question du reste à charge pour les frais de soins ne peut concerner les seuls secteurs du dentaire, de l'optique et de l'audioprothèse.

Certes le renoncement aux soins se manifeste prioritairement sur ces secteurs les plus onéreux qui sont en même temps les moins bien remboursés par l'assurance maladie.

Mais au-delà de l'effet d'annonce, il est illusoire de croire qu'avec ces trois secteurs, certes sensibles, on règlerait la totalité du problème des frais de soins. Il faut donc notamment prendre en compte:

 

  • les dépassements d'honoraires

  • le forfait journalier, le forfait à 18 €

  • la participation de 1 € sur les consultations, la radiologie, les analyses de biologie médicale,

  • la franchise médicale sur les médicaments (0,50 € par boîte) et les transports (2 € par transport)

  • la participation aux frais hospitaliers des chambres particulières

5- La baisse du reste à charge passe par une maîtrise du coût des complémentaires de santé, et notamment tout ce que finance la cotisation et qui ne relève ni du remboursement ni des services.

Il s'agit notamment des taxes (à hauteur de 13,27% des cotisations), de l'impôt sur les sociétés et plus généralement de la fiscalisation des mutuelles, auxquels il faut ajouter l'ensemble des frais imposés au fil des diverses évolutions réglementaires (solvabilité Il par exemple).

Rappelons toujours que ce ne sont pas les mutuelles mais les adhérents qui paient les taxes, les impôts et l'ensemble de ces charges.

Ainsi les 13,27% de taxes payés par les adhérents accroissent d'autant leur RAC total sur l'accès aux soins.

À noter enfin le co-financement par les complémentaires du «forfait patientèle médecin traitant» qui était au départ une mesure transitoire pour devenir ensuite pérenne, et dont le coût initial de 2,5 € est porté aujourd'hui à 6 € par personne protégée de + 16 ans.

 

 

6- Pas de financement du reste à charge par les complémentaires

Les gouvernements successifs usent toujours du même stratagème, plaçant sur un même plan l'assurance maladie et l'ensemble des complémentaires désignées par « les mutuelles ».

Ainsi en est-il pour le reste à charge zéro: sécu et complémentaires santé devraient être mises à contribution.

Or si la sécurité sociale est financée sur la création de richesses (cotisations sociales), les complémentaires santé sont intégralement payées par les adhérents. Dès lors, accroître la part remboursée par les complémentaires santé n'est rien d'autre qu'accroître le reste à charge des assurés. On aura opéré le transfert d'un coût direct de soins vers le paiement d'une cotisation. Au final le reste à charge demeure inchangé, voire aggravé du fait des taxes et impôts qui gonflent le montant des cotisations.

 

 

7- Le reste à charge commence là où s'arrête la couverture de l'Assurance maladie

Sur la base de tarifs maîtrisés, ce n'est qu'en améliorant la prise en charge de l'Assurance maladie que l'on peut véritablement baisser le reste à charge des assurés sociaux.

 

 

8- Le dentaire

Selon le rapport de la Cour des comptes de septembre 2016, l'assurance maladie obligatoire ne prenait plus en charge que 33 % des dépenses dentaires en 2014, contre 39 % pour les assurances complémentaires et 25 % pour les ménages (les 3 % restants relevaient de financements publics).

Il est urgent de remédier à cette situation, en redonnant à l'Assurance maladie la place qui lui revient.

Il faut d'autre part réviser les tarifs conventionnés qui demeurent inchangés depuis de trop nombreuses années. Il convient de distinguer les actes de prévention et les soins d'une part, les prothèses sous ses différentes formes d'autre part.

Une juste revalorisation des actes dentaires devra permettre de rééquilibrer la rémunération des chirurgiens-dentistes, en valorisant notamment les actes de prévention et les soins. Il est en effet scandaleux de placer des professionnels de santé devant le dilemme suivant: être peu rémunéré en pratiquant des soins ou gagner davantage en optant pour une prothèse. Un tel type de choix doit être déconnecté de toute considération financière pour ne reposer que sur le critère médical.

 

 

9- L'optique

Dans son rapport 2013, la Cour des comptes avait souligné que les dépenses d'optique, qui concernent deux Français sur trois, sont principalement financées par les assurances complémentaires (à hauteur de 68 %), l'assurance maladie ayant un rôle résiduel (inférieur à 4%). Comme pour le dentaire, il faut inverser cette tendance.

Par ailleurs, une large réflexion doit être menée dans ce domaine. Si, d'un côté, garantir une bonne vue est primordial sur la question de la santé, d'un autre côté une communication nationale intensive et constante des lunetiers (qui pèse sur les prix pratiqués) a réussi à modifier les comportements: aujourd'hui, l'idée s'est très largement ancrée dans l'opinion de considérer une paire de lunettes comme un accessoire de mode. De ce point de vue, les frais d'optique relèvent du secteur marchand et non plus de la protection sociale. Il faut noter que les dérives sont nombreuses: établissements de tarifs individualisés selon les modalités de couverture de la complémentaire afin de siphonner la prestation due, communication en fin d'année auprès des clients qui n'ont pas fait d'achat les incitant à utiliser leur forfait, etc.

Plusieurs mesures de base doivent être envisagées:

  • revaloriser les tarifs de l'optique pour être en phase avec la réalité économique, et particulièrement sur les verres
  • encadrer rigoureusement la pratique des fabricants de lunettes comme des magasins d'optique

  • revoir à la baisse les plafonds de remboursement des complémentaires de santé dans le cadre du «contrat solidaire et responsable» et notamment sur les montures

  • réintroduire la prescription d'un ophtalmologiste comme condition sine qua non du remboursement de frais d'optique

     

10- Les dépassements d'honoraires

L'objectif doit être la suppression complète des dépassements d'honoraires. Cela suppose des tarifs négociés justes et équitables, aptes à assurer aux professionnels de santé des revenus conformes à leurs compétences, mais sans surenchère.

La liberté des honoraires ne répond à aucune prétendue «loi du marché» : le patient n'a pas de choix réel, son état de santé le guide vers la solution médicale qu'il juge la plus appropriée, et il n'est pas en mesure de faire jouer la «loi de l'offre et de la demande». Ainsi c'est la loi du plus fort qui s'applique et cela n'est pas acceptable.

C'est pourquoi un médecin libéral doit appliquer les tarifs de responsabilité, sinon il est «hors convention»: dans ce cas un affichage clair doit le mentionner et ses honoraires ne sont plus remboursés par la Sécurité sociale.

 

 

11- Les médicaments

Il faut régler la question de la prise en charge des médicaments qui doit être naturellement fondée sur un critère unique : l'efficacité. Un médicament est efficace, ou il ne l'est pas. Pour aller au bout des choses, un médicament qui ne serait pas efficace n'est pas un médicament. Cela supprime de fait la notion de « médicament de confort » qui est un non-sens. Le concept d'efficacité mérite lui aussi d'être précisé: l'efficacité n'est pas une et entière: elle peut être totale (par exemple permettre la guérison) ou partielle (par exemple soulager à des degrés divers).

Par ailleurs il n'est pas acceptable qu'un médicament prescrit ne soit pas remboursable, ou qu'inversement il soit considéré comme inefficace mais prescrit: une cohérence d'ensemble de la prescription et du remboursement du médicament doit être rétablie.

Selon ces principes de bon sens, un seul taux de remboursement rehaussé doit exister pour l'ensemble des médicaments.

Il convient par ailleurs d'ouvrir le dossier des laboratoires privés et d'aborder toutes les questions qui se posent quant à leurs pratiques, comme par exemple:

  • celle de la publicité sur les médicaments qui pose un problème, non seulement du point de vue éthique mais également sous l'angle économique : les sommes très importantes qui y sont consacrées pèsent sur les prix et donc sur le reste à charge pour les patients

  • celle de l'influence sur les médecins au travers des visiteurs médicaux, tout comme des voyages offerts sous le déguisement de séminaires

  • celle des nouvelles molécules mises sur le marché au moment où tombe le brevet d'un ancien médicament, molécules toujours plus chères et souvent sans réel gain d'efficacité, etc.

  • Il s'agit en réalité, puisque marché privé il y a, d'encadrer rigoureusement ce secteur afin de limiter au mieux sa capacité d'une part d'influencer les comportements des patients comme des praticiens, et d'autre part de peser artificiellement sur les coûts d'accès aux soins dans leur seul intérêt.

12- La chambre particulière

Le prix des chambres particulières atteint des sommets, 150 à 200 € par jour, voire plus, basé sur des critères autres que médicaux, la vue sur le parc (!), la présence d’un balcon… des prix dignes de chambres d’hôtels de luxe.

Une chambre particulière doit être thérapeutique, relever de l’état de santé du patient et de la décision du médecin. Dans le cas contraire « le pot commun » issu des cotisations de tous les adhérents, ne peut pas financer le confort, le remboursement par les complémentaires santé dessert la solidarité est doit donc être prohibé.

 

 

 

 

 

 

 

 

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